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Homélie pour la fête de Saint Josephine Bakhita pour la Journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des êtres humains

Homélie pour la fête de Saint Josephine Bakhita pour la Journée mondiale de prière et de réflexion contre la traite des êtres humains
08/02/2021

Église de Sainte Trinité, Genève, Suisse

Par Mgr Robert J. Vitillo, 8 février 2021

Lectures des Écritures : Lundi, 4ème semaine des temps ordinaires – Genèse 1:1-19 ; Psaume 103 ; Marc 6:53-56

 

Vos Excellences, le Nonce Apostolique et les autres Représentants des Nations Unies à Genève, mes frères prêtres, les Religieux Révérendissimes et toutes mes sœurs et frères dans le Seigneur,

Peut-être qu’à première vue, la relation entre les lectures des Écritures, prévues pour aujourd’hui, et le but immédiat de notre assemblée de ce soir ne semble pas évidente. Mais, avec quelques moments de réflexion commune et d’ouverture des cœurs et des âmes, nous pouvons être assurés de la grâce et de la présence de Dieu parmi nous alors que nous discernons sa Parole et que nous célébrons une fois de plus la vie, la mort et la résurrection de son Fils et de notre Seigneur Jésus-Christ. En effet, en partageant Son Corps et Son Sang même à travers ce sacrifice et ce mémorial eucharistique, nous entrons pleinement dans la source et le sommet de toute notre prière.

La première lecture, prise au début de l’Ancien Testament, rappelle l’action décisive du Dieu créateur pour former les cieux et la terre. Il nous est dit que Dieu a créé la lumière « et qu’il a vu qu’elle était bonne ». Nous suivrons également l’histoire de la création demain, lorsque nous apprendrons que Dieu a achevé cette phase de puissance créatrice humainement inimaginable en façonnant l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance et, une fois encore, en reconnaissant ce fruit de Son action comme « très bon ».
Mais, comme nous le savons, Dieu a donné aux femmes et aux hommes le libre arbitre et, tant aux origines de notre univers qu’à l’heure actuelle, nous abusons souvent de cette volonté en rejetant l’amour omniprésent de Dieu et en préférant agir sous le couvert de l’obscurité, de la tromperie et du manque de respect, tant pour notre foyer commun dans ce monde que pour nos sœurs et frères de cette famille humaine.

La plupart d’entre nous se sont rassemblés en raison de la profonde inquiétude et de la tristesse écrasante que suscite l’action sombre et pécheresse que constituent la traite des êtres humains et les autres formes d’esclavage moderne. En fait, notre Saint-Père le Pape François a rejoint ses prédécesseurs en qualifiant, à juste titre et sans hésitation, cette action odieuse de crime contre l’humanité.

Sainte Joséphine Bakhita, dont nous honorons aujourd’hui la mémoire et la vie sainte, a vécu ce crime dans son corps, son esprit, son cœur et son âme. Née au Soudan, elle a été kidnappée par des marchands d’esclaves, battue et marquée à vie, et vendue cinq fois sur des marchés d’esclaves. Enfin, elle a été achetée par un marchand italien, puis trafiquée vers l’Italie, et a servi la famille d’un diplomate italien, qui l’aimait profondément et qui l’a finalement aidée à découvrir un « maître », ou paron, comme elle l’a appris en dialecte vénitien, qui est la source de tout le bien, qui s’est manifesté sur cette terre, par le sacrifice d’amour de son Fils unique, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous. C’était l’amour dont elle avait soif toute sa vie, mais qu’elle n’espérait pas connaître. Et elle était encore plus étonnée que ce paron ait lui-même été fouetté et cloué sur une croix – afin de vaincre tout le mal, le péché et la mort pour toujours, et de l’inviter, elle et nous tous, à participer à la bonté divine et éternelle du Paradis. Joséphine a dû surmonter d’autres obstacles dans sa vie pour recevoir le baptême, pour affronter les autorités italiennes afin de chercher à s’émanciper et pour être acceptée dans la congrégation religieuse des Sœurs Canossiennes.
Sœur Joséphine a mis sa vie religieuse en action en promouvant les vocations missionnaires en Italie – elle voulait tellement préserver le charisme qui l’a aidée à faire l’expérience de la libération, en la présentant au gentil, doux et gentil Maître, le Seigneur Jésus-Christ. Comme le Pape émérite Benoît XVI l’a décrit dans sa vocation, « l’espérance née en elle, elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait atteindre beaucoup de gens, atteindre tout le monde ».

Aujourd’hui, sous le patronage et la protection céleste de Sainte Joséphine Bakhita, nous nous mettons au défi d’affronter le phénomène complexe, accablant, douloureux, blessant et destructeur de la traite des êtres humains. Ce faisant, nous osons littéralement regarder le mal dans les yeux. Pendant des décennies, après l’interdiction officielle de l’esclavage dans de nombreuses régions du monde, nous nous sommes trompés nous-mêmes en pensant qu’il avait été éradiqué par une simple décision législative ou judiciaire. Mais grâce au témoignage courageux de nombreux croyants en l’Évangile de Jésus et en d’autres traditions religieuses, parmi lesquels les religieuses catholiques ont joué un rôle héroïque, nous avons aujourd’hui une conscience aiguë et douloureuse des millions de filles et de garçons, de femmes et d’hommes dont la dignité donnée par Dieu est niée et bafouée, en ce jour même et dans le monde entier, et qui sont soumis aux mêmes cicatrices physiques, émotionnelles et spirituelles que celles qu’a subies, au XIXe siècle, Sainte Joséphine Bakhita.

Alors que nous nous joignons à l’humble prière d’aujourd’hui, ne cédons pas aux doutes et aux craintes concernant notre capacité à faire face à un mal mondial aussi enveloppé, enchevêtré, mais incroyablement lucratif que la traite des êtres humains. Rappelons-nous qu’en présentant son propre dos pour être flagellé, et ses propres bras et corps pour être pendu à la croix, Jésus a rétabli la lumière dans un monde assombri par le péché, et a offert le don de la vie éternelle à ses sœurs et frères dont le corps et l’âme sont soumis à la souffrance et à la mort terrestres. Touchons, spirituellement, le manteau de Jésus, comme l’ont fait ses premiers disciples, car le passage de l’Évangile pour aujourd’hui nous dit que, ce faisant, ils ont été guéris. Et voyageons avec les survivants de la traite des êtres humains, écoutons ce qu’ils ont à dire, et ayons le courage d’apprendre d’eux comment nous pourrions empêcher ce crime de se perpétuer à travers notre trop fréquente « culture de l’indifférence » à l’égard des périphéries physiques, sociales, économiques et sociales qui continuent de sévir dans notre monde fragile.

Je terminerai par les mots du pape François : « Nous, les chrétiens, croyons et savons que la résurrection du Christ est la véritable espérance du monde, l’espérance qui ne déçoit pas … c’est la puissance de cet amour qui s’humilie et se donne jusqu’au bout, et donc qui renouvelle vraiment le monde … ». … elle porte les fruits de l’espérance et de la dignité … là où il y a des migrants et des réfugiés (si souvent rejetés par la culture du gaspillage d’aujourd’hui), et des victimes du trafic de drogue, de la traite des êtres humains et des formes contemporaines d’esclavage (Pâques 2018) ».